Dans son Discours sur l’Histoire Universelle (1681), Bossuet écrivait que « la force nous est donnée pour conserver notre bien, et non pas pour usurper celui d’autrui » [III, 6]. Il semble ici qu’il existe une tendance chez l’homme à s’enliser dans un mal radical : celui de l’usurpation ; sorte d’usage tronqué de la force.

Et si l’usurpation d’identité était le mal du 21e siècle ? En effet, Bossuet n’a jamais été aussi moderne qu’aujourd’hui.

Si le fait d’avoir un modèle est important dans la construction de soi, il est cependant nécessaire de jouer de la confrontation afin de s’en démarquer pour se forger soi-même. L’usurpation, définie comme un vol d’identité n’est autre qu’une forme déviée de la construction de soi. De sorte que par opportunisme ou par manque de confiance en lui, l’être concupiscent s’embourbe fièrement dans l’usurpation.

L’usurpation c’est la maladie. Commençons par les symptômes.

Comment ne pas y reconnaître le signe du malheur qui vient comme un facteur déterminant de l’usurpation ?

L’homme, cet « animal malade » a échoué dans la construction de soi. A l’instar d’un virus qui se propage, le malheur jette à bas la confiance de l’homme, lui fait tourner et retourner son identité afin de ne constater qu’une seule et unique chose : il faudra périr ou bien s’approprier l’identité d’un autre. Comme une gorge qui gratte ou un nez qui coule, ce mal traque l’homme. Par soif de s’en affranchir, à la recherche d’un Doliprane, l’homme chasseur va repérer chez autrui toute qualité qui améliorerait sa petite condition. Bien entendu, étant donné que ce sont des qualités qu’il ne possède pas, l’homme s’emparera de ces qualités étrangères de manière grotesque, à l’image du mauvais comédien.

Comme dans une lente maladie, l’entourage du malade sera le premier touché. En effet, il est un être trompé sur les qualités essentielles de l’être qu’il côtoie. Victime de celui qui l’a trompé mais également victime de lui même, il se mord les doigts d’avoir cru à la supercherie. Pire encore, en côtoyant celui qui l’a trompé, il pourra être sujet à la contagion.

Deux voies s’offrent à l’être trompé.

La première est la meilleure : par ressentiment, l’esprit de l’entourage demande vengeance et mettra un halo de lumière sur la supercherie. La seconde est la pire : par esprit de solidarité, l’homme trompé est décomplexé et va tomber dans les abysses de l’imitation. A son tour, il va mentir, voler, piller l’identité de l’autre pour s’en attribuer les mérites.

Le mal du XXIe siècle pourrait être celui de l’usurpation.

Christopher Lasch dans son livre intitulé la Culture du narcissisme, qu’il publie en 1970, va énoncer la thèse selon laquelle la culture de masse, ainsi que la mise en place d’une société thérapeutique, sont à l’origine du narcissisme. L’homme moderne se focalise sur lui même et va se vendre, tant sur le plan physique que mental, afin de séduire.

Crise identitaire.

L’homme a voulu s’unifier de plus en plus et pourtant les technologies n’ont fait que le disperser. Au XXIe siècle, il est tout aussi facile de devenir quelqu’un, que de s’approprier l’existence d’un autre ou enfin de redevenir un être lambda (à condition de maîtriser l’exercice de son droit à l’oubli). Le fléau de l’usurpation trouve en le web une terre d’accueil idéale…

L’être disparate va être tenté de s’improviser tantôt psychologue, parfois avocat voire médecin. Ces titres protégés se voient parfois accaparés par ceux qui ne les possèdent pas. Ils confondent l’adjectif et le titre!

L’exemple de l’usurpateur moral en est le philosophe moderne, sorte de « communicant » aussi philosophe que contrefacteur. Il se définit comme philosophe tandis que l’humilité requiert de laisser les autres nous honorer de ce qualificatif. En effet, il a quitté la sphère universitaire depuis bien longtemps et, complexé par sa condition de menteur, il s’octroie une légitimité qu’ils n’ont pas. « Onfray » excelle dans l’exercice, pour ne citer que lui, qui s’auto-sacre « philosophe ».

La preuve la plus futile qui soit se trouve souvent dans le curriculum vitae, premier vecteur de la mythomanie ambiante. Sachez, chers menteurs que le mensonge sur le niveau d’étude est un comportement fautif qui justifie le licenciement, comme l’énonce un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 avril 2007.

Par ailleurs, l’article 433-17 du Code Pénal dispose que « l’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Quelle solution à l’usurpation d’identité ? Le respect d’autrui mais également de soi.
A bon usurpateur, salut !

Auteur anonyme