Marketing sensoriel

L’ambiance apaisante d’un magasin, une odeur envoûtante, une musique d’ambiance séduisante, quoi de mieux que le marketing sensoriel pour expliquer le comportement des consommateurs ?

Les entreprises recherchent des moyens innovants pour fournir une valeur ajoutée à leur offre, ce qui leur permettra notamment de se distinguer de leurs concurrents. Grâce au marketing sensoriel, elles peuvent espérer fidéliser leurs clients et conserver ainsi une bonne place sur le marché.

Le consommateur qui auparavant achetait pour posséder est aujourd’hui à la recherche de sens et de plaisir. Il ressent le besoin de bénéficier d’une offre unique, adaptée à ses besoins et à ses attentes. Le client prend désormais en compte les informations affectives dans son évaluation d’un produit puis, va les confronter à ses valeurs et à ses expériences personnelles.

C’est ainsi que le marketing traditionnel, trop rationnel et analytique pour être représentatif du marché actuel, à évolué vers un marketing contemporain qui intègre des éléments d’expérience, de relation et de sensorialité.

Le marketing sensoriel a pour spécificité de s’attacher aux cinq sens (plus particulièrement à l’odorat, à la vue et à l’audition) et d’étudier leur influence sur l’expérience de consommation (influence cognitive, affective et comportementale). Une atmosphère multisensorielle est créée autour du produit, ce qui va largement augmenter son attrait. De ce  fait, les entreprises investissant dans ce type de marketing vont optimiser leurs ventes en suscitant des émotions positives chez les clients.

En somme, le marketing sensoriel est défini comme « l’ensemble des variables d’actions contrôlées par le producteur et/ou le distributeur pour créer autour du produit ou du service une atmosphère multisensorielle spécifique, soit à travers les caractéristiques du produit lui-même, soit à travers la communication en sa faveur, soit à travers l’environnement du produit au point de vente » Marc Filser (2003).

Les objectifs du marketing sensoriel sont donc multiples : fidéliser la clientèle, personnaliser et renforcer l’identité de la marque, rentabiliser les investissements par l’optimisation des ventes, étudier la façon dont le consommateur réagit à un environnement physique particulier, etc.

Beaucoup d’études ont démontré que le marketing sensoriel pouvait influencer positivement les ventes et améliorer l’image d’une marque. Cependant, il est indispensable que toutes les variables sensorielles soient congruentes avec le point de vente ainsi qu’avec le produit commercialisé.

Bref historique du marketing sensoriel

En 1973, Phillip Kotler, économiste américain considéré comme le précurseur du marketing sensoriel, insistait sur la nécessité pour les marques de se différencier de leurs concurrents par d’autres moyens que celui des prix, des caractéristiques intrinsèques des produits ou encore de la présentation sur un point de vente. Kotler va souligner l’importance jouée par les stimuli d’ambiance des lieux de vente : une atmosphère propice peut influencer le comportement des clients et ainsi favoriser l’acte d’achat. Ainsi, l’emploi des différents facteurs sensoriels « apparaît comme un outil de différenciation, de fidélisation et de construction de l’image des magasins », un véritable outil marketing.

En 1982, Morris. B. Holbrook et Hirshman insistent sur l’importance de la théâtralisation d’un point de vente. D’après eux, les émotions et les sentiments doivent être pris en compte pour expliquer le comportement des consommateurs, on parlera ici de dimension affective.

Sur cette même lignée, Bitner (1992) confirmait lui aussi l’influence de l’ambiance d’un point de vente sur le comportement des clients. Ses travaux mettent d’ailleurs en évidence le fait que l’environnement d’un lieu de vente peut générer des émotions positives chez les clients.

Même si les recherches sur l’influence de l’environnement sur le comportement d’achat remontent à la fin du 20ème siècle, ce n’est qu’au début des années 2000 que cette stratégie marketing à véritablement fait son entrée.

Depuis quelques années, de nombreuses expériences de l’approches polysensorielle ont été menées par les commerçants et industriels. Le marketing sensoriel correspond donc à un nouvel art de vendre et d’acheter, et de plus en plus d’entreprises l’utilisent pour renforcer le champ expérientiel du consommateur.

Pourquoi investir dans le marketing sensoriel ?

Si cette nouvelle stratégie est désormais largement employée par bon nombre de distributeurs, cela n’est pas sans raison. En effet, nous allons voir que cet investissement est motivé par diverses raisons.

D’une part, dans un contexte de mondialisation, il faut contrer l’accroissement de la concurrence. Les frontières de la concurrence ne se limitent plus aux secteur régional ou national, elles s’étendent désormais aux confins du monde entier. Se démarquer des autres en proposant une offre unique devient donc une nécessité absolue.

D’autre part, il est indispensable de faire face au commerce électronique. De plus en plus d’achats s’effectuent par ce biais. Les clients ne se déplacent plus forcément tant il est vrai qu’il est désormais extrêmement simple de tout diriger vers chez soi. De cette manière, les magasins doivent motiver le consommateur à faire le déplacement jusqu’à eux. Pour ce faire, ils doivent donc offrir au client davantage qu’une simple mise à disposition des produits. En utilisant le marketing sensoriel, les marques vont au-delà de la mise en rayon ; elles vont stimuler le plaisir des sens et repousser les limites de la créativité : diffusion de parfum, de musique d’ambiance, d’éclairages (intimistes, chaleureux, etc.).

Pour résumer, les consommateurs actuels sont à la recherche d’une expérience d’achat unique, stimulante et agréable. Le marketing sensoriel va donc non seulement stimuler l’attention des clients, mais il va également renforcer le confort d’achat en proposant une communication ciblée.

Le saviez-vous : comment une odeur, une musique d’ambiance ou encore des couleurs peuvent-elles nous influencer ?

Nous allons désormais nous intéresser plus particulièrement aux effets de trois stimuli sensoriels : l’odeur, le son et les couleurs.

Le marketing olfactif

Marketing sensoriel

Crédit: Le journal des grandes écoles et des universités

L’utilisation des senteurs d’ambiance dans les lieux de vente (ou de services) est sans aucun doute l’application du marketing olfactif qui a connu la plus grande croissance ces dernières années.

Aujourd’hui, un grand nombre d’industries utilisent les senteurs comme élément distinctif et caractéristique de leur marque. Par exemple, des notes de citron sont perçues comme  énergisantes et vivifiantes, alors que la vanille inspire la chaleur et le confort. Par ailleurs, certains souvenirs d’enfance ancrés dans notre mémoire peuvent ressurgir rapidement à l’aide d’une odeur y étant liée. Il existe un lien intime entre les émotions, les souvenirs et les odeurs. Alors que les images mentales peuvent devenir floues avec le temps, les senteurs demeurent vives. Un parfum, une odeur permettent ainsi à la marque de se distinguer des concurrents en étant davantage présente dans la mémoire et dans l’esprit des consommateurs. Ainsi, les senteurs soutiendraient les marques en provoquant  un engagement plus interactif et émotionnel de la part des consommateurs.

Plusieurs firmes se sont donc tournées vers ce genre de stratégie marketing pour rehausser leur image, se différencier des compétiteurs, mais aussi créer un climat de bien-être propice à la consommation (Ex : compagnies aériennes, chaînes d’hôtels, magasins etc.).

Brève illustration : odeurs et comportement de consommation.

En 2006, Spanberg, Sportt, Grohmann et Tracy ont mené une étude sur l’influence des parfums d’ambiance dans un magasin de vêtements. Dans un premier temps, les chercheurs ont tenté de voir quelles étaient, parmi 12 odeurs, celle préférée des hommes et celle préférée des femmes. Il en est ressorti que la vanille était l’odeur préférée des femmes, et la rose du Maroc celle préférée par les hommes. Pendant plusieurs jours les chercheurs ont diffusé alternativement soit le parfum de vanille, soit celui de la rose du Maroc. L’odeur de vanille était qualifiée d’odeur congruente pour les femmes et non pour les hommes ; l’odeur de la rose du Maroc était qualifiée d’odeur congruente pour les hommes et non pour les femmes.

Après leur passage dans le magasin, les clients devaient répondre à un questionnaire d’évaluation.

En ce qui concerne leurs comportements à proprement parler, les chercheurs mesuraient le montant moyen du panier ($), le nombre d’articles achetés et le temps moyen passé dans le magasin (min).

Les résultats ont montré que la diffusion d’une odeur congruente (vanille pour les femmes et rose du Maroc pour les hommes), amenait non seulement les clients à passer plus de temps dans le magasin, mais a aussi à acheter un plus grand nombre de produits et à dépenser plus d’argent. De ce fait, lorsque ce n’est pas l’odeur préférée par la clientèle qui est diffusée (odeur non congruente), les ventes diminuent. Par ailleurs, les résultats au questionnaire de satisfaction montrent que lors de la diffusion de l’odeur congruente, les clients évaluent plus positivement le magasin, la qualité de la marchandise et des prix. Enfin, ils expriment davantage l’intention de revenir.

Cette étude montre donc que l’odeur ne suffit pas à elle-même pour influencer le comportement d’achat, il faut également qu’elle soit congruente avec le profil du consommateur (ici homme ou femme).

Pour conclure, les études sur les effets des senteurs semblent converger vers les mêmes résultats : l’ambiance olfactive activerait un état psychologique particulier qui, en retour, affecterait positivement les comportements des individus.

Le marketing sonore

Marketing sensoriel

Crédits: Les échos

Le sens commun a pour habitude d’attribuer des pouvoirs « extraordinaires » à la musique: rendre un lieu plus vivant, transmettre des émotions, donner du sens, et même influencer le comportement des consommateurs en faisant vendre davantage.

Les recherches sur l’ouïe, assez anciennes, ont connu un regain de popularité ces dernières années grâce aux études sur l’influence de la musique d’ambiance dans les environnements commerciaux. Auparavant essentiellement employé pour masquer les bruits ambiants dérangeants, le marketing sonore s’applique désormais à différents contextes.

La littérature attire notre attention sur deux aspects de la musique qui ont été particulièrement étudiés : les effets des caractéristiques physiques de la musique (rythme, intensité, etc.) et les effets des différents types de musique (musique classique, variété, etc.).

Brèves illustrations : musique d’ambiance et comportement de consommation.

Milliman (1986) a mis en évidence l’influence du tempo sur le comportement des consommateurs. En effet, il a remarqué que les clients d’un restaurant passaient moins de temps à table quand la musique diffusée avait un tempo rapide que si elle avait un tempo lent. Par ailleurs, en condition tempo lent les clients commandaient plus de boissons qu’en condition tempo rapide.

North, Hargreaves et McKendrick (1999) ont tenté de voir s’il existait un lien entre l’origine culturelle (stéréotypique) d’une musique et l’origine géographique d’un produit en vente dans un magasin. Les chercheurs ont donc proposé deux types de musiques et deux types de produits : musique française versus musique allemande et vin français versus vin allemand. Les résultats montrent que la musique française pousse davantage les clients a acheter du vin français plutôt que du vin allemand. Ici, la musique est une amorce cognitive qui induit de manière implicite la production d’un comportement congruent avec cette amorce.

Beaucoup de recherches ont été effectuées en milieux de vente fermés (restaurants, bar, magasins) et il a fallut attendre l’étude de Guéguen et al. (2002) pour observer les effets d’une musique d’ambiance en milieu de vente ouvert (marché). Les résultats de leur expérience ont démontré que lors de la diffusion d’une musique d’ambiance, les clients passaient en moyenne plus de temps sur le stand (jouets-bibelots), mais également qu’ils achetaient plus d’articles. En revanche, la diffusion d’une musique d’ambiance n’incitait pas les clients à acheter des produits plus chers, contrairement aux résultats trouvés par Areni et Kim (1993) qui ont démontré que les clients d’un caviste achetaient des vins de plus grands crus (et donc plus coûteux) lors de la diffusion d’une musique classique.

La musique, si elle est congruente avec le milieu de vente et le produit concerné, a donc un effet positif sur le consommateur.

Le marketing visuel

Marketing sensoriel

Crédits: Novadeo

L’aspect visuel dans le marketing est prépondérant. C’est en effet le premier contact des clients et c’est celui qu’il est primordial de satisfaire. Le choix des couleurs, des formes d’un produit et l’aménagement d’un point de vente, constituent un facteur de succès utilisé depuis longtemps par les industriels. Les caractéristiques visuelles d’un lieu de vente ou d’un produit déclenchent chez le consommateur des réactions émotionnelles qui influencent sur sa perception du produit ou du lieu de vente.

Brève illustration : luminosité et comportement de consommation.

Il est difficile de croire que l’éclairage d’un magasin puisse avoir une influence sur le comportement des consommateurs. Malgré le fait que ce facteur soit encore peu étudié, les recherches scientifiques portant sur cette caractéristique environnementale mettent en évidence le fait qu’elle ne doit pas être mise de côté.

En 1994, Areni et Kim ont mis en place un dispositif expérimental permettant d’étudier le comportement d’achat des clients selon le niveau de luminosité. Ils ont donc observé des hommes et des femmes âgés de 20 à 60 ans (et plus) dans la section vin d’un restaurant. Les clients pouvaient donc visiter, goûter et acheter des bouteilles de vin. Dans cette zone, les chercheurs ont manipulé le niveau de luminosité la rendant soit tamisée, soit vive. Ils évaluaient ensuite les comportements des clients en observant leur consultation et manipulation des bouteilles, le montant moyen dépensé et le temps passé dans ce rayon. Les résultats démontrent qu’une lumière vive favorise la prise d’information (consultation des bouteilles, prise en main) alors qu’une lumière tamisée va faire augmenter le montant moyen des achats. Paradoxalement, la lumière vive conduit les sujets à acheter plus de bouteilles que la lumière tamisée. Par conséquent, la lumière tamisée incite les clients à acheter des bouteilles de vins de prix plus élevés.

En somme, l’éclairage d’un lieu de vente influence bel et bien les comportements des consommateurs. Les différents effets produits sur les clients dépendent essentiellement du type de lumière utilisée.

Conclusion

Toutes ces illustrations semblent aller dans le sens du modèle psycho-environnemental de Mehrabian et Russel (1974) selon lequel les caractéristiques du contexte de vente (odeur, musique et couleurs) sont des éléments clés tout aussi importants que la qualité des vendeurs ou encore les prix et les promotions.

Les limites du marketing sensoriel

La question que nous pouvons nous poser est désormais de savoir si d’un point de vue éthique, il est légitime ou non de jouer sur l’aspect émotionnel des consommateurs. En effet, le marketing sensoriel peut parfois être employé de manière abusive, de sorte à manipuler littéralement les consommateurs. Les marketeurs sont continuellement à la recherche de solutions pour pousser à la consommation, pour inciter les clients à acheter toujours plus. Souvent comparé au neuromarketing (étude du fonctionnement neurologique lors de l’exposition à des stimuli publicitaires), les dérives du marketing sensoriel semblent moindres.

N’est-il pas alors de notre responsabilité en tant que consommateur, de prêter attention à ces techniques de vente. Après avoir lu cet article, êtes-vous davantage conscients de l’influence possible de ces techniques sur vous ?

Sources

  • Guéguen. N., Jabob. C., Legoherel. P. (2002). L’effet d’une musique d’ambiance sur e comportement du consommateur : une illustration en extérieur. Décisions Marketing, N°25 Janvier-Mars, 53-59.
  • Rieunier. S. (2013). Marketing sensoriel du point de vente. Paris: Donod.
  • Giboreau. A. & Body. L. (2007). La marketing sensoriel: de la stratégie à la mise en oeuvre. Paris: Vuilbert
  • Marketing sensoriel | Management « http://ow.ly/ZVIRf »
  • Le marketing visuel « http://ow.ly/ZVIO1 »
  • Le marketing olfactif « http://ow.ly/ZVJ05 »
  • Marketing sensoriel « http://ow.ly/ZVJ4s »
  • Le marketing sensoriel « http://ow.ly/ZVJ6E »
  • Le marketing sensoriel peut-il expliquer nos comportements d’achat ? NetPME « http://ow.ly/ZVJbQ »

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Auteure de ce billet : Mélanie Legris

Photo profil SpotpinkStagiaire chargée de communication et marketing chez SpotPink pour une durée de 3 mois et demi. Actuellement étudiante en Licence 3 de psychologie à l’université Paris Ouest, je souhaite m’orienter vers un Master de psychologie sociale appliquée, itinéraire consommation, marketing et communication. Ma formation a débuté par une année de mise à niveau en arts appliqués. En effet, j’éprouve un fort intérêt pour le domaine des arts et du design.