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Le stress est un concept ayant de multiples définitions selon les auteurs. Ces divergences s’expliquent par le fait que le stress émerge de transactions entre la personne et son environnement et que le stress est observé dans différents contextes. Le stress n’est pas négatif en soi, il est adaptatif. Pour prendre une définition générale de McGrath (1976) reprise par Staal (2004) le stress est une interaction entre trois éléments : la demande perçue, la capacité d’adaptation perçue et l’importance perçue de la capacité à s’adapter à la demande. L’individu, pour des raisons extrinsèques et/ou intrinsèques, perçoit des difficultés pour faire face à une situation : il évalue un déséquilibre entre les exigences auxquelles il est soumis et les moyens disponibles dont il dispose pour y faire face.

Nous nous intéressons ici à une situation planifiée, telle qu’une présentation orale 

Crédits : FreepikL’exercice de la présentation orale (en public) peut être effectué lors des études ou dans le cadre professionnel (exposé, conférence, entretien professionnel, entretien de recrutement, etc.). L’individu est alors prévenu d’une grande partie des exigences attendues : date, durée d’intervention, thème à traiter, ainsi que de l’existence éventuelle d’une grille d’évaluation du fond et de la forme de sa prestation. L’individu est donc conscient des exigences et doit organiser puis maîtriser ses savoirs (ex. : connaissances), savoir-faire (ex. : création du Powerpoint, élocution orale), et savoir-être (ex. : vocabulaire et posture adaptés) pour rendre compte au mieux de son travail tout en étant compris par autrui.

Dans ce contexte, comme dans la majorité des cas, l’individu n’a pas à inventer un savoir ni procéder à une forme de restitution particulière ; l’individu doit simplement mettre en lien, selon une organisation cohérente, une pluralité de connaissances existantes. Comment se fait-il alors que les présentations orales, contenant si peu d’éléments incertains de prime abord, soient vécues comme source de stress ?

entretienIl s’avère que l’individu qui retranscrit une connaissance, reconstruit dans le présent une élaboration passée. C’est la première chose à retenir : une restitution de connaissances est toujours une reconstruction et non pas (même avec une mémoire infaillible) un copier-coller de nos savoirs (Barsalou, 2008). Sans être consciemment informé de ce fonctionnement de la mémoire, l’individu prévoit cependant d’être soumis à des forces différentes durant la présentation que lors de sa répétition. Pourquoi ? Entre autres, parce que la situation de présentation va être unique, temporellement encadrée, effectuée sous le regard d’autrui (novices en la matière ou au contraires pairs et experts), et potentiellement évaluée. Ainsi, certains paramètres apparaissent comme contrôlables et d’autres comme incontrôlables. L’anxiété, liée au stress subi, va survenir au contact des éléments perçus comme incontrôlables.questionsauditoire

Comment maîtriser les éléments situationnels et extrinsèques ?

Le contrôle ressenti

Un individu ayant l’impression qu’il a un pouvoir de contrôle sur le déroulement des éléments (profil interne de Locus of control interne) agira davantage comme si ces actions avaient un impact sur sa performance. Au contraire, un individu ayant le profil externe de Locus of control aura tendance à penser qu’il est peu maître de la mise en œuvre de sa performance car des éléments extérieurs sur lesquels il n’aura pas d’emprise seront particulièrement impactants (Rotter, 1966).

Dans le cas de la restitution de connaissances, il est bénéfique de croire que nous contrôlons notre performance. En effet, en attribuant, par exemple, le chevrotement de la voix à une cause interne (qui peut être conjointement externe), l’individu est en mesure de travailler sur cet élément et de le faire évoluer. En pratique, cela peut impliquer que l’individu essaye de réaliser sa présentation dans différents contextes qui, pour lui, peuvent être peu ou prou stressants. En s’entraînant, l’individu développe son impression de maîtrise de ses moyens, ce qui lui permettra une meilleure adaptation.

A l’inverse, attribuer une cause purement externe et situationnelle au chevrotement de la voix rend la compétence en question soumise à des forces non modifiables et dépendantes du contexte : la voix sera alors soumise à tous les éléments situationnels qui surviendront à l’instant de restitution de la présentation.

Nous citons cet exemple physiologique mais globalement, la maîtrise perçue par l’individu des différents paramètres de sa présentation est un facteur capital pour faire baisser l’anxiété face à ce type de situation.

Le processus d’adaptation est encouragé par des expériences diverses et renouvelées. C’est ainsi que, pour être moins stressé avant et pendant une présentation, il est recommandé de faire l’expérience des différents paramètres, quotidiens et non quotidiens que comporte la situation.

ordre-du-jourMinimiser l’anxiété liée aux facteurs extrinsèques

Pour réaliser une présentation en minimisant l’anxiété liée aux facteurs dits « extrinsèques », voici une partie des éléments (non exhaustifs) sur lesquels l’individu peut notamment travailler :

  1. Premièrement, le contexte dans lequel l’individu révise et le contexte dans lequel l’individu présente/restitue.
    Demander à avoir des informations sur le type de lieu dans lequel va se passer la présentation, le nombre de personnes présentes, le profil de l’auditoire, la distance entre la zone de parole et lui, la taille de l’écran, l’heure de la journée, etc. permet  à l’individu de s’entrainer dans des conditions peu ou prou similaires. Ceci rendra l’adaptation moins coûteuse au moment de la passation.
  1. Deuxièmement, la compréhension et la manipulation des informations à transmettre.
    Que l’individu veuille retranscrire fidèlement un contenu ou parler librement à partir de mots-clefs, il doit être capable de manipuler les informations dans les deux cas. Apprendre par cœur peut être conseillé dans le cas d’une présentation à la durée courte et chronométrée ; il n’empêche que l’individu doit pouvoir formuler ses idées de plusieurs manières différentes, dans des ordres et au sein d’élaborations variés. Ainsi, lorsque l’individu s’entraîne en imagination à la construction et à la reconstruction des éléments de son discours, il minimise le risque de la « perte de mémoire » et saura faire en sorte que celle-ci revienne grâce par exemple à des moyens mnémotechniques appris lors de l’entraînement. Il sera certainement en mesure également d’augmenter ses capacités d’improvisation le moment venu.
  2. Troisièmement, l’état physique, cognitif et émotionnel de l’individu durant l’apprentissage et durant la présentation.
    En incorporant les informations sur l’environnement dans lequel va se dérouler la présentation et en comprenant les éléments de son discours sous différents angles, l’individu peut croire à une maîtrise de sa production. Ce sentiment lui permet de tester (en imagination ou non) des postures physiques, des intonations, des temps de silences, des rythmes de paroles, etc. pour créer sans cesse de nouvelles combinaisons et, ce faisant, ancrer davantage les informations manipulées en mémoire. En effet, et ceci est à retenir, notre corps peut nous faire croire qu’il est l’ennemi de notre production s’il est soumis aux éléments extérieurs, mais notre corps a également la force et le pouvoir de modifier nos connaissances !
    Bonne nouvelle donc ! En modifiant et en testant les façons par lesquelles vous accédez à vos connaissances, vous imbriquez les marqueurs physiologiques à différentes formes d’élaborations et, minimiserez le nombre de facteurs ressentis comme incontrôlables et stressants.

Pour résumer l’idée forte

Ceci signifie que pour augmenter ses chances de réussir, le contexte d’apprentissage, de préparation ou de répétition doit être le plus proche possible de celui de la restitution. Autrement dit, il est préférable d’effectuer la restitution aux mêmes heures et dans les conditions physiques, émotionnelles et cognitives les plus similaires possibles de celles de l’entrainement (Godden & Baddeley, 1975).

Conclusion

Pour conclure, dans le cadre d’une présentation de connaissances, la perception qu’a l’individu de sa maîtrise des différents moyens à mettre en place est primordiale pour minimiser son stress. Pour accéder à cette perception de maîtrise, la manipulation des connaissances dans une pluralité de contextes favorise le contrôle et minimise le coût de l’adaptation.

Et pourtant… d’autres paramètres sont également à prendre en compte (comme toujours !) et, pour évaluer le stress associé à une situation de présentation orale en public, il faudra par exemple prendre en compte d’autres facteurs tels que les conséquences possibles de cette présentation, le temps de préparation allouée, l’état de fatigue physique et mentale de l’individu, etc.

S’il n’y a pas de recette unique et miraculeuse pour tous en matière de prise de parole en public, en agissant sur les conditions de la préparation il est possible d’augmenter le contrôle ressenti et ainsi, de minimiser les effets du stress.

Pour aller plus loin :

  • Barsalou, L. (2008). Grounded cognition. Rev. Psychol. 59, 617–645.
  • McGrath, J.E. (1976). Stress and behavior in organizations. In M.D. Dunnette (Ed.), Handbook of industrial and organizational psychology (pp. 1351–1395). Chicago: Rand McNally.
  • J. B. (1966). Generalized expectancies for internal versus external control of reinforcement. Psyho&gical Motwgmphs, 80 (1, Whole No. 609).
  • Staal, M. A. (2004). Stress, cognition, and human performance: A literature review and conceptual framework. NASA Technical Memorandum, 212824. Moffett Field, Calif.: Ames Research Center.

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Auteure de ce billet
Anne Lebeaupin
Stagiaire psychologue chez SpotPink, je suis diplômée en psychologie de l’évaluation du fonctionnement cognitif et des comportements. Les expérimentations scientifiques et leur vulgarisation me passionnent, et sont à la base de mes réflexions et de mes productions professionnelles.